Enfin, lorsque le diagnostic est fait, c’est-à-dire les lésions sont rapportées à l’HH, il faut en assurer une prise en charge spécifique. Ces manifestations articulaires sont plus fréquentes dans les formes homozygotes (C282Y++), qu’hétérozygotes (C282Y+-). Dans ces derniers cas, les lésions articulaires sont rares, comme la surcharge en fer, et il faut toujours rechercher d’autres facteurs de risques (alcoolisme, hépatite chronique, porphyrie cutanée tardive).

Il n’y a pas de corrélation entre l’importance de la surcharge en fer et l’importance de l’atteinte articulaire. Il y a deux types de manifestations :

1)      Les atteintes des articulations

2)      L’atteinte osseuse

 

1) Les atteintes articulaires.

Les atteintes articulaires sont très proches cliniquement et radiologiquement de celles observées au cours de l’arthrose banale. Ceci fait la difficulté du diagnostic. Elles sont en partie dues à des dépôts de fer dans les différents tissus qui composent une articulation qui augmenteraient la concentration en pyrophosphates et détruiraient les chondrocytes. Ces atteintes se traduisent par des douleurs, le plus souvent aux mains et aux poignets, parfois aux chevilles, aux genoux et aux hanches. Ces douleurs apparaissent le plus souvent lors de la mobilisation de l’articulation. Plus rarement, une articulation peut devenir très douloureuse, de jour comme de nuit et être le siège d’une inflammation importante. Dans ce cas, l’articulation est chaude et la peau en regard peut être rouge. Il s’agit d’une arthrite qui est secondaire à une maladie proche de la goutte : la chondrocalcinose articulaire. Aussi toute chondrocalcinose qui survient chez un sujet jeune et en dehors d’un traumatisme doit faire évoquer une HH ou une maladie de Wilson (surcharge en cuivre). Le diagnostic de cette affection est évoqué radiologiquement (il existe des signes spécifiques qui sont des calcifications dans les cartilages visibles en particulier aux genoux, hanches). Le diagnostic est confirmé par l’analyse du liquide synovial (liquide qui lubrifie nos articulations). Ce dernier doit être dans ce cas impérativement prélevé au cours d’une simple ponction de l’articulation.

            Il existe aussi des arthropathies sous-chondrales montrant radiologiquement des pincements articulaires, une condensation osseuse sous-chondrale, de petites géodes finement cerclées (trou dans l’os) et des becs de perroquets sur les clichés radiographiques standard des mains, des genoux, des hanches et des chevilles. La localisation la plus caractéristique est celle des doigts, le 2ème et le 3ème au niveau des articulations entre les os des phalanges et les os de la main (métacarpe), et les poignets. Ainsi s’explique la poignée de main qui fait mal, « souvent premier signe révélateur au cours d’une coutume bien française ». Il n’y a pas de rhumatismes localisés à 20-30 ans. N’hésitez pas à demander à votre médecin une radiographie des mains. Les clichés radiographiques permettront de mettre en évidence ou non des signes d’arthrose des doigts (fig 1), des signes en faveur d’une chondrocalcinose articulaire (fig 2) et d’apprécier éventuellement la sévérité de l’atteinte articulaire. L’atteinte de la hanche (fig 3) est la plus sévère et nécessite parfois une prothèse qui remplace l’articulation. L’évolution de ces lésions est difficilement prévisible, allant de formes localisées peu invalidantes à des formes destructrices mimant un rhumatisme inflammatoire chronique.

            Le traitement de ces atteintes est symptomatique. Il repose sur la kinésithérapie (selon l’articulation) et sur la prise d’antalgiques (souvent le paracétamol) parfois associés à des anti-inflammatoires non stéroïdiens en cures courtes et en l’absence de contre-indication en particulier digestive. En cas d’efficacité partielle de ces traitements, il est licite de pratiquer des infiltrations dans les articulations encore douloureuses. On pourrait s’attendre à ce que le traitement curatif de ces complications articulaires soit les soustractions sanguines. Cependant, les données sur ce point sont divergentes. En général les saignées ont peu d’effet sur les douleurs des articulations sévèrement touchées. Faites dès le début, les douleurs articulaires s’améliorent dans 60 % des cas, persistent dans 40 % . Les lésions articulaires peuvent même progresser et nécessiter prothèses de genoux et de hanches.

 

2) L’atteinte osseuse

L’atteinte du tissu osseux est l’autre complication rhumatologique de l’hémochromatose. C’est une ostéoporose, c’est-à-dire une fragilisation des os qui peut conduire à des fractures soit périphériques (fracture du poignet, du col du fémur) ou rachidiennes (tassements des vertèbres). Elle est retrouvée dans environ 20 % des cas. Elle correspond à la diminution de la quantité de tissus osseux. Sur la radiographie du bassin et de la colonne vertébrale, l’os est clair ce qui est dû à la diminution du calcium (fuite calcique, déminéralisation). Cela souligne la nécessité de dépister dans les deux sexes cette ostéoporose en réalisant une densitométrie osseuse car seuls les résultats de cet examen permettront d’affirmer ou non la présence de cette maladie osseuse. Le fer aurait une action toxique sur les ostéoblastes, mais il existe aussi d’autres facteurs : l’insuffisance gonadique, la maladie du foie. Il n’existe actuellement pas de données pour savoir si les médicaments prescrits chez la femme pour l’ostéoporose compliquant la ménopause (biphosphonates) sont efficaces au cours de l’ostéoporose de l’hémochromatose. Il est nécessaire d’avoir une activité physique régulière, de dépister et de traiter d’autres facteurs de risque d’ostéoporose : c’est le cas entre autres d’une carence en vitamine D, d’un dysfonctionnement des glandes thyroïdes ou surrénales, d’un tabagisme chronique ou d’une prise abusive d’alcool. Le rôle de la testostérone pour lutter contre l’hypogonadisme est très discutée vu le risque de cancer du foie.

            En conclusion, les manifestations osseuses et articulaires de l’HH sont, répétons-le, en première ligne. Elles sont fréquentes, souvent inaugurales ; y penser d’emblée devant toute poignée de main douloureuse ou douleur d’une articulation isolée et sur une chondrocalcinose visible en radiologie à 40 ans et plus tardivement devant une ostéoporose inexpliquée. Elles doivent être mieux connues des médecins généralistes et spécialistes, leur prise en charge améliore la qualité de vie des patients souffrant de ces complications. Un dosage de la saturation de la transferrine et de la ferritine, suivi de la recherche du gène, est simple à faire et surtout permet un traitement précoce seul capable d’améliorer ces malades.

Un dosage de la saturation de la transferrine et de la ferritine doit être fait chez tout malade rhumatisant chronique.

 

Dr Pascal RICHETTE

Hôpital Lariboisière - Fédération de rhumatologie. Centre Viggo Petersen

2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris

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Tél. : 01-49-95-62-90

Bulletin bimestriel AHF n° 75 - Juillet - Août 2004