I) Les maladies chroniques du foie

a)      La maladie alcoolique du foie, c’est-à-dire l’abus chronique d’alcool. Le mécanisme de la surcharge est multiple : 1) le vin rouge et plusieurs autres boissons alcoolisées prises en excès contiennent du fer ; 2) les globules rouges du malade alcoolique sont « malades » car l’alcool est toxique sur la moelle osseuse, lieu où ils se forment, c’est-à-dire qu’ils sont fragiles, petits, mal formés et ne vivent pas 120 jours comme ils devraient normalement. Leur destruction libère du fer qui se dépose dans tous les organes ; 3) l’alcool atteint surtout le foie et gêne la fabrication de la transferrine (qui transporte le fer) car cette protéine est fabriquée par le foie. Attention, ceci explique qu’il y ait une fausse élévation de la saturation de la transferrine (différente de celle de l’HH due à l’augmentation du fer) ; en effet le pourcentage de saturation est dû au rapport fer sur transferrine, dans ce cas, il est augmenté par baisse de la transferrine ; 4) le fer apporté par les transfusions nécessaires chez l’alcoolique qui a des hémorragies gastriques. Il en résulte une hyperferritinémie (qui peut atteindre 1000 à 2000 ng/ml), avec l’action toxique de l’alcool s’ajoute l’action toxique du fer. Le résultat est le dépôt de fer surtout dans le foie qui est le premier organe sur « la route du fer » et ce foie devient atrophique, dépôt dans la peau responsable de la mélanodermie, dans le pancréas de diabète auquel s’ajoute l’action toxique de l’alcool ; de plus, troubles sexuels par atteinte des glandes endocrines. Bref, un alcoolique se distingue difficilement d’une HH (ceci arrive parfois). Mais il n’y a pas de cas familiaux, la ferritine est moins élevée, surtout ascite, foie atrophique et notion d’abus d’alcool. Enfin et surtout, la recherche des anomalies génétiques est toujours négative (évidemment, une HH peut devenir alcoolique mais cela est rare et c’est une autre histoire à écrire peut-être un jour). Le pronostic de cette maladie alcoolique dite « métallisée » est grave. Le seul traitement à proposer est le sevrage alcoolique « à vie ». Les saignées sont contre-indiquées car ces sujets manquent de globules rouges et de plaquettes. Le danger est l’apparition de la cirrhose plus fréquente car le foie est « attaqué » par deux substances toxiques, le fer et l’alcool. C’est la raison pour laquelle les médecins recommandent la suppression de l’alcool dans l’atteinte du foie au cours de l’HH.

b)      L’hépatite chronique en particulier due au virus C. L’hépatite chronique C atteint environ 600 000 personnes en France. Dès le début, il a été constaté que la surcharge en fer était importante chez 40 % des malades lorsque l’on faisait des biopsies hépatiques. Elle atteint rarement les cellules du foie, plutôt les cellules de Kupffer qui sont des cellules de défense. Certains médecins ont fait des saignées pour désaturer les malades pensant que le fer en excès expliquait l’inefficacité des traitements anti-viraux C. En fait, ceci n’est pas démontré mais certains font malgré cela des saignées pour désaturer et réduire l’élévation des transaminases. L’hyperferritinémie est au environ de 800, 1 000 ng/ml, la saturation de la transferrine est normale.

c)      Les cirrhoses du foie. Toutes les causes de cirrhose du foie peuvent être cause de surcharge en fer en particulier dans les nodules de régénération qui forment le cirrhose. La saturation peut être faussement élevée car comme dans la maladie alcoolique, il y a un déficit en transferrine fabriquée par le foie. La ferritine peut être très élevée. Ces malades ont été considérés comme des HH avant la découverte du gène HFE1 et certains ont été même transplantés comme s’ils étaient hémochromatosiques HFE1. Les raisons de la surcharge en fer des cirrhoses qu’elles soient d’origine virales B, C, toxiques, cardiaques… sont les mêmes que celles du foie alcoolique : fragilité des globules rouges, nécessité de transfusion sanguine pour corriger l’anémie due aux hémorragies, déficit en transferrine ne permettant pas le transport de tout le fer d’où présence de fer libre très toxique, anastomose porto cave permettant au fer  de passer directement à travers le foie sans être capté et utilisé, probablement déficit en hepcidine hépatique facilitant l’hyperabsorption du fer (comme dans l’HH).

Dans toutes ces maladies chroniques du foie, ce qui est grave est l’atteinte du foie, le fer n’est que la conséquence. Ce qu’il faut traiter donc est la cause de la maladie du foie, c’est-à-dire arrêt de l’alcool par exemple, traitement contre le virus C par exemple. Il est rare que la déplétion en fer améliore la maladie.

II) Les maladies du sang

Il s’agit de maladies qui atteignent soit les globules rouges, soit l’hémoglobine qu’ils contiennent, soit la moelle osseuse, c’est-à-dire leurs lieux de formation. En effet, les globules rouges sont composés d’une protéine (la globine) et de plusieurs atomes de fer (l’hème). L’ensemble forme l’hémoglobine qui transporte l’oxygène du poumon dans les cellules. Les maladies du globule rouge ou de l’hémoglobine ou de la moelle osseuse peuvent provoquer des anémies, c’est-à-dire un manque de globules rouges. Dans ce cas, pour que le sujet puisse vivre, il faudra lui apporter des globules rouges et donc faire des transfusions. Or, chaque fois que vous transfusez un malade, vous apportez du fer (250 mg par flacon de 500 ml de sang). Dans les saignées vous faites l’inverse, vous perdez 250 mg de fer pour 500 ml. Si vous devez faire de nombreuses transfusions, vous allez provoquer une surcharge en fer importante, diffusée à tous les organes et provoquer obligatoirement une hémochromatose dite acquise ou secondaire, qui n’a rien à voir avec la génétique ! Voyons quelques exemples.

a)       Les maladies du globule rouge : les thalassémies (ou maladies de l’hémoglobine). Chez l’adulte, à la naissance, l’hémoglobine F ou fœtale disparaît pour être remplacée par l’hémoglobine A ou adulte. La persistance de l’hémoglobine F chez l’adulte rend le globule rouge fragile. Il se détruit. Une anémie apparaît, des transfusions sont nécessaires toute la vie. Leur fréquence dépend de la gravité de la maladie, en particulier dans la thalassémie majeure, maladie du pourtour de la Méditerranée. Les transfusions apportent donc du fer. Il se crée une hémochromatose dite secondaire qui est la même cliniquement qu’une HH. Il y a un gros foie, une mélanodermie, un diabète, une insuffisance cardiaque et surtout un retard de croissance avec infantilisme. Le traitement, difficile, consiste à faire fuir le fer apporté par des perfusions de Desferrioxamine (Desferral®) donné en infusions continues sous-cutanées par pompe portable (2 à 4g/j). Ce traitement augmente la survie des malades, diminue le stock de fer, améliore les fonctions pancréatiques, cardiaques, sexuelles et surtout cardiaques. Malheureusement il peut y avoir des effets secondaires (cataractes, insuffisance rénale et surdité). Il en est de même pour les autres anomalies de l’hémoglobine, en particulier l’hémoglobine S ou drépanocytose (qui peut être traité en enlevant la rate).

b)      Autres causes de surcharge en fer tenant à la moelle osseuse : soit elle ne fabrique plus de globules rouges : c’est une aplasie et là il faut faire des transfusions, soit le fer apporté ne peut pas pénétrer dans les globules rouges en formation. Certaines cellules se chargent en fer : ce sont des sidéroblastes. Il y a là encore anémie et nécessité de transfusion et les conséquences que vous connaissez.

c)      Autres causes d’anémie dite hémolytiques tenant à l’aspect du globule rouge qui devient fragile et éclate car trop gros, trop rond (sphérocytose), en forme de faucille ou manquant de certains produits (enzymes) pour fonctionner correctement. Les globules rouges se détruisent en passant dans les vaisseaux. L’ablation de la rate dans certains cas peut améliorer le malade et diminuer la surcharge en fer.

Dans tous les cas de maladies du sang, il y a une surcharge en fer par les transfusions surtout et par hyperabsorption digestive, réflexe pour compenser le manque de globules rouges. Le Desferral® reste le principal traitement. Il y a aussi des tentatives de donner des chélateurs oraux, de faire des transplantations de moelle dans les atteintes de la moelle osseuse surtout aplasie et enfin la thérapie génique qui est en pleine expansion.

Un cas particulier dans les maladies du sang : la porphyrie cutanée tardive peut se mettre dans les maladies du sang. Il s’agit d’une sensibilité extrême de la peau avec bulles sur les mains, le visage, le dos, c’est-à-dire les parties exposées à la lumière. Il s’agit d’un déficit d’une enzyme de l’hémoglobine. Il y a une surcharge en fer importante. Les saignées améliorent les malades et font disparaître les lésions de la peau.

III) Le syndrome polymétabolique

Il regroupe de nombreuses perturbations métaboliques chez l’adulte et qui s’accompagne d’une hyperferritinémie avec surcharge en fer du foie modérée. Il est très fréquent. C’est la principale cause d’erreur quand on pense avoir une hémochromatose. En effet, l’hyperferritinémie peut atteindre 800 ng/ml à 1500 ng/ml mais habituellement la saturation de la transferrine est normale. Les signes cliniques sont surtout surpoids et/ou diabète sucré et/ou HTA et/ou douleurs articulaires, fatigue… Les signes biologiques sont l’hyper GGT, l’élévation des ALAT, hypercholestérolémie. L’échographie hépatique confirme la stéatose, rarement une fibrose ou une cirrhose. Le traitement consiste à corriger les troubles métaboliques : cholestérolémie, intolérance aux hydrates de carbone, diabète, surtout la perte de poids améliore ces perturbations et en particulier l’hyperferritinémie. Sinon 3 à 4 saignées de faible volume 250 à 300 ml espacées de 15 jours réduisent l’hyperferritinémie. Ce syndrome doit être distingué de l’HH car il est souvent confondu et surtout plus simple à traiter et à guérir.

Quand il y a doute diagnostique dans ces surcharges en fer acquises, c’est-à-dire ferritine élevée et saturation élevée, faire la recherche de mutations génétiques mais ceci doit rester exceptionnel. De même pour apprécier les surcharges en fer du foie, il faut faire une IRM et pas de biopsie hépatique.

Henri MICHEL et Michael BISMUTH