Il y a une deuxième phase dont nous allons parler maintenant. Elle apparaît quand la surcharge de fer commence à devenir toxique pour tous les organes. C’est à ce stade qu’il faut faire le diagnostic, et surtout traiter le malade, car la surcharge n’est pas très élevée. Ce traitement par saignées sera très court. Malheureusement, le diagnostic est fait trop tard le plus souvent, lorsqu’il y a diabète, insuffisance cardiaque, mélanodermie. C’est la troisième phase que l’on ne doit plus voir. Nous en parlerons dans le prochain bulletin.

Les premiers signes de l’HG sont à 25-30 ans chez l’homme, à 30-35 ans chez la femme :

  • une fatigue permanente
  • des ennuis sexuels
  • des douleurs des doigts surtout, puis d’autres articulations
  • des troubles cardiaques
  • une augmentation modérée et isolée du volume du foie
  • l’élévation des transaminases

Sur un ou plusieurs de ces signes cliniques, vous devez faire une prise de sang pour rechercher le taux de saturation de la transferrine.

Cela coûte 7€, c’est remboursé par la Sécurité Sociale sur prescription de votre médecin. Cette prise de sang vous sauve la vie et vous évite le parcours du combattant que beaucoup d’entre vous connaissent !

Reprenons l’un après l’autre ces signes du début.

1°) La fatigue :

        D’abord elle est physique (50% des malades). Elle est le plus souvent ancienne (au moins un an). Elle est progressive, c’est-à-dire qu’elle augmente très lentement. « Vous allez être obligé de faire la sieste ». Elle est permanente, elle ne vous quitte pas. « A la fin tout vous fatigue, même donner un coup de téléphone ». Elle résiste à tous les médicaments que l’on donne, dit-on, pour la fatigue : vitamine B12, vitamine C (fortement déconseillée), « fortifiants » (encore plus déconseillés) et même le fer ! (un comble). Quoi qu’il en soit à 25-30 ans, on est rarement fatigué, on a du « tonus » ; être fatigué, c’est anormal. Cette fatigue devient morale. On évoque une « dépression ». Vous dites « broyer du noir », « n’être bon à rien », « avoir peu de goût de la vie », « des crises d’angoisses aiguës », « des idées grises plein la tête et une tristesse qui recouvrait toute ma vie d’un grand manteau terne » disait un malade de Montpellier, dont la détresse du frère était telle, qu’atteint de cette maladie, il s’était laissé mourir. Un malade en dépression nerveuse doit contrôler le taux de saturation de la transferrine.

        Plus grave, sans diagnostic certains malades ont dû abandonner leur profession par force. Plus la fatigue physique ou psychique est ancienne, plus vous devez penser à une hémochromatose. L’autre problème est le retentissement familial de l’état d’incapacité du père ou de la mère devant les enfants de plus en plus soucieux. On n’aime pas voir ses parents malades et en arrêt de travail parfois, ou plus grave, déclarées invalides ! Pour certains, « on ne vous croit pas, vous faites partie des malades imaginaires », au pire on vous traite d’alcooliques.

2°) Les ennuis sexuels :

        Ils sont très fréquents et devraient donner l’alerte, mais souvent non avoués par dignité, car c’est la période la plus propice où l’homme ou la femme ne doivent pas avoir de « panne sexuelle », c’est-à-dire perte du désir, impuissance. Mais il est évident qu’une fatigue permanente sans diagnostic, un état dépressif considéré comme des troubles psychiques et traité par des médicaments anti-dépresseurs vont aggraver la perte de la libido. A l’âge de 30-35 ans, l’explication est l’HG. « Fatigué, mon travail étant menacé, je n’avais plus envie de poursuivre des relations sexuelles : ma femme a divorcé » nous a dit ce malade de Lille. La baisse du taux de testostérone (hormone mâle) entraîne aussi une dépilation (chute des poils), une sécheresse de la peau, une chute des cheveux qui vont dans le même sens. Le traitement n’est pas au début de faire des injections de testostérone, mais de traiter l’hémochromatose. Les faits sont les mêmes chez la femme : « Le déclin du désir sexuel peut l’atteindre jusqu’à disparition complète et Madame pensera que c’est normal, passé l’âge de la maternité, qu’il lui faut s’occuper maintenant et uniquement de ses petits-enfants ! » Plus rarement l’aménorrhée fait évoquer à tort une ménopause précoce.

3°) Les douleurs rhumatismales localisées d’abord aux doigts, aux mains, puis aux poignets, coudes, genoux., épaules, hanches…

        Elles surviennent surtout chez la femme mais ne sont pas rares chez l’homme. Caractéristiques sont les douleurs aux doigts, plus particulièrement aux articulations métacarpo-phalangiennes et interphalangiennes des 2ème et 3ème doigts ! Surtout au serrement de mains. « La poignée de main (coutume bien française) fait mal ». Cela peut être le premier signe isolé. On pense à des rhumatismes surtout lorsque les douleurs deviennent diffuses, vous réveillent la nuit, atteignent les poignets, les chevilles, les coudes, les épaules et évoluent par poussées inflammatoires, parfois elles rappellent des crises de goutte. Il n’y a pas de rhumatisme localisé à 20-30 ans ! Si vous hésitez, demandez à votre médecin une radiographie des mains, une fois sur deux vous verrez au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes et inter-phalangiennes, aux genoux, une opacité appelée « chondrocalcinose » qui est la précipitation du Ca dans les cartilages, parfois un pincement de l’articulation et des géodes (trous dans l’os). A 30 ans, c’est une HG ou une maladie de Wilson (surcharge en cuivre). Voyez votre médecin pour prendre des anti-inflammatoires ou faire des infiltrations. Un diagnostic précoce évite des destructions articulaires qui obligent à mettre des prothèses de hanche, de genou..

        L’ostéoporose est un signe plus tardif en général de l’HG. L’os devient transparent et cassant. Il peut survenir des fractures. On doit, sur ces images radiologiques d’ostéoporose, rechercher une HG.

4°) Des troubles cardiaques :

        Ils sont très sournois. C’est le plus souvent un essoufflement à l’effort. Vous êtes obligé maintenant de prendre l’ascenseur ou saisir la rampe d’escalier pour monter deux étages ! Ce sont des faux pas du cœur, c’est-à-dire des extrasystoles, en fait le début des troubles du rythme. Au début peuvent survenir une accélération du rythme cardiaque, plus rarement des épisodes de fibrillation auriculaire, rarement des signes d’insuffisance cardiaque, car au début le ventricule gauche du cœur s’épaissit pour augmenter sa force afin de compenser le dépôt de fer qui gène son fonctionnement.

5°) L’atteinte du foie :

        Elle est rare au début bien que le foie soit le premier organe sur la route du fer. Sa masse énorme (c’est le plus gros organe du corps) capte le fer qui vient directement de l’intestin pendant longtemps sans donner de signe de souffrance. Sachez quand même qu’une augmentation modérée et isolée du volume du foie, sans aucun autre symptôme, c’est-à-dire bien tolérée, doit faire évoquer une HG. Mais attention, l’atteinte du foie évoque à tort souvent, une intoxication alcoolique (plus fréquente que l’HG !) et pour ce malade il est difficile de dissuader les quelques médecins qui se trompent. L’alcool donne rarement un gros foie isolé ; il y a en même temps un tremblement des mains, du sulictère (jaunisse), des troubles caractériels et une plainte des familles. De plus les tests hépatiques (gamma GT, transaminases OT, cholestérol) sont perturbés. Il est facile, dans le doute, de demander la saturation de la transferrine et la ferritine.

6°) L’élévation des transaminases vue sur une prise de sang :

        Ces substances contenues dans les cellules du foie et qui servent aux échanges s’échappent lorsque ces cellules du foie souffrent de la surcharge en fer. Elles passent dans le sang, leur taux s’élèvent. Normalement aux environs de 20 à 40 ui/l, leur taux peut s’élever jusqu’à 80-10 ui. Si elles sont isolées sans autres causes : alcoolisme, hépatite C plus souvent, il faut penser toujours à une HG.

Enfin, comme il s’agit d’une maladie héréditaire récessive, (c’est-à-dire heureusement intermittente) pensez toujours à regarder l’état de santé de vos parents ou grands-parents maternels ou paternels. Ils sont plus âgés donc vous allez trouver des signes évidents de l’HG dont je vous ai parlé : ceux de la troisième phase : mélanodermie, diabète, insuffisance cardiaque. L’existence d’un diabète sucré insulinodépendant, dedouleurs rhumatismalesayant nécessité parfois une prothèse (genou, hanche), une insuffisance cardiaque grave avec œdèmes des membres inférieurs et gros cœur, un gros foie avec même cirrhose et cancer du foie. Malheureusement vous pouvez aussi apprendre qu’il y a eu des décès précoces à 50 ans dans votre famille ou chez vos oncles, tantes, par exemple, dus à un diabète, un cancer du foie ou une maladie du cœur.

En conclusion : à 20-30 ans chez l’homme, 30-35 ans chez la femme, il est anormal que vous vous plaignez :

§         de fatigue physique, psychique, sexuelle

§         de rhumatismes isolés aux mains ou diffus, inflammatoires ou « goutteux »

§         d’atteinte cardiaque avec essoufflement, troubles du rythme

§         d’un petit gros foie isolé

§         d’une élévation des transaminases

 

Allez consulter votre médecin pour faire rapidement un test de saturation de la transferrine ou sidérophiline, faites une enquête dans votre famille.

Vous pouvez alors guérir avec quelques saignées par an (mais à vie). Vous ne verrez pas apparaître les grandes complications de cette maladie génétique. Et si vous faites une enquête dans votre famille et en particulier chez vos enfants, vous allez voir « disparaître » cette maladie qui reste un scandale de santé publique.

Pr Henri MICHEL

Bulletin bimestriel n° 68 - Mars-Avril 2003