Parmi les causes les plus fréquentes d’hyperferritinémie, on distingue :

1)      Le syndrome polymétabolique (hépatosidérose dysmétabolique) décrit par Moirand de l’école de Rennes. L’hyperferritinémie est aux environs de 1 000 à 1 500 ng/ml. La saturation de la transferrine est en général normale. Les malades se plaignent de fatigue, douleurs articulaires, troubles cardiaques. Il y a parfois de l’obésité, de l’HTA et/ou un diabète sucré. A la prise de sang, on découvre des perturbations des graisses du sang (cholestérol, triglycérides) et/ou une hyperglycémie. Les tests hépatiques peuvent être perturbés (hypergamma GT). Le foie est un peu surchargé en fer, en graisse, plus rarement il y a une fibrose. Il s’agit le plus souvent d’un homme de plus de 40 ans. Il n’y a pas d’anomalie génétique certaine.

Les saignées peuvent être utiles pour éliminer la petite surcharge en fer. Pour certains auteurs, il y aurait de ce fait une amélioration du diabète sucré. Quelques saignées suffisent pour retirer 2 à 3 g de fer en surcharge (par exemple 300 ml chaque 20 j. pendant 6 à 8 mois). 

2)       Les maladies alcooliques du foie. L’excès de boissons alcoolisées (vin, bière, cidre, pastis, liqueur…) provoque un gros foie de stéatose (c’est-à-dire chargé en graisse), nettement visible à l’échographie. Parallèlement, l’alcool provoque l’augmentation du cholestérol, des triglycérides, des transaminases en particulier ASAT ou SGOT. L’hyperferritinémie est modérée (1 000 à 1 200 ng/ml). Si l’intoxication s’arrête, tout rentre dans l’ordre. Si elle se poursuit, il apparaît une fibrose du foie (le foie devient plus petit et dur) puis une cirrhose avec ses complications (ascite, hémorragie, troubles nerveux…). Le problème de l’hyperferritinémie devient secondaire. La gravité est due à l’atteinte du foie. Les saignées sont contre-indiquées car ces malades sont souvent anémiques au stade de fibrose et de cirrhose.

3)       L’hépatite chronique C (600 000 individus en France) peut s’accompagner d’une hyperferritinémie modérée 1 000 à 1 500 ng/ml ; le pronostic dépend de l’agression du virus. Des saignées peuvent être faites dans certains cas, car certains médecins pensent que le traitement est plus efficace.

4)       Les hyperferritinémies accompagnent certains cancers (digestifs ou autres), des infections ou des inflammations chroniques en particulier intestinales, des traitements médicamenteux (corticoïdes, nutrition artificielle), l’hyperfonctionnement de la thyroïde, des intoxications par des toxiques industriels, des traumatismes musculaires (écrasement des membres). L’hyperferritinémie n’est pas ici en rapport avec une surcharge en fer et ne doit pas être traitée par des saignées.

5)       Les hyperferritinémies par apport excessif de fer par voie externe, plus rares. Elles ont été invoquées dans les populations Bantous d’Afrique de Sud qui cuisinaient dans des ustensiles en fonte. Elles peuvent se voir chez les sportifs professionnels qui absorbent des suppléments alimentaires riches en fer, ont des apports de fer par voie sanguine (transfusion, injections de fer).

6)       Les hyperferritinémies par accumulation de fer par voie interne. Le fer en excès provient des globules rouges qui se détruisent parce qu’ils sont mal-formés (par exemple : fragiles, ronds), ou que l’hémoglobine est anormale (thalassémies), ou bien parce que la moelle osseuse est incapable de former les globules rouges ou d’incorporer le fer dans les globules. Ces maladies sont plus rares et atteignent surtout les enfants ou adultes jeunes. Il faut dans certains cas éliminer le fer en excès par un traitement par desferrioxamine (Desferral) qui capte le fer et l’élimine dans les urines. En effet, ces malades ayant généralement une anémie importante, il n’est pas possible de les saigner.

7)       L’hyperferritinémie de l’hémochromatose. Nous la connaissons bien par ses signes cliniques apparaissant après 30 ans, les tests biologiques en particulier l’élévation de la saturation de la transferrine et de la ferritine. Il faut y penser souvent pour l’éliminer sur ces 2 tests et évidemment rechercher les antécédents familiaux et les mutations du gène HFE1. L’hyperferritinémie, qui est ici le reflet de la surcharge en fer, se corrige avec les saignées indispensables toute la vie.

8)       Les causes rares : la porphyrie cutanée tardive est une maladie qui s’accompagne de bulles sur la peau exposée au soleil. Elle est due à l’anomalie d’une enzyme hépatique. L’apparition des problèmes de peau peut être déclenchée ou aggravée par une surcharge en fer. C’est pourquoi des saignées améliorent ces malades. Signalons seulement le syndrome cataracte et hyperferritinémie héréditaire qui apparaît dès le jeune âge. Il y a aussi une hyperferritinémie exceptionnelle associée à une anomalie du métabolisme du cuivre.

Donc l’hyperferritinémie en elle-même n’a pas de valeur diagnostique. Il faut toujours l’associer à d’autres explorations ou aux tests rapportés ci-dessus.

Dr. Patricia MARTINEZ, Dr. Henri MICHEL

 Bulletin bimestriel AHF N° 72 - Janvier-Février 2004